dimanche 16 décembre 2007

Fazil Say quitte la patrie...il en a marre de la démocratie


Le célèbre pianiste turc, Fazil Say a décidé de réfléchir sur un éventuel départ de la Turquie. La raison est que les femmes de tous les ministres (ce qui est faux) sont voilées. Il a même ajouté qu'ils (c'est-à-dire les anti-voilistes) ne représentent que 30 % de la population. Donc, une bonne raison pour quitter le pays.
D'abord rappelons que ce virtuose (personne ne trouve rien à dire sur son talent) est rarement en Turquie. Il le dit lui-même , il ne dort chez lui que 4-5 jours par mois.
Ensuite, ses propos ont soulevé un tollé chez tous les libéraux et vrais démocrates du pays: il n'invoque aucune atteinte à ses droits fondamentaux, il quitte son pays pour de simples raisons d'intolérance esthétique (l'image de la Turquie voilée ! mon Dieu!). Gülay Göktürk, grande journaliste "non voilée" lui rétorque, à juste titre à mon sens, : "même si la Turquie se trouve divisée en 30%-70%, ce à quoi je n'adhère pas, faut-il quitter le pays lorsque c'est l' "autre" qui l'emporte ? C'est une posture d'antidémocrate qui semble nier la possibilité de vivre ensemble avec nos différences".
Ses propos révèlent une intolérance primaire et mettent à jour une disposition d'esprit qui me semble dangereuse pour la vie d'une nation: celui qui "l'emporte" écrase la minorité; il faut quitter le pays ou rester et mener le combat, comme s'il s'agissait uniquement d'un rapport de force.
C'est vrai que les journaux islamistes en ont profité pour le charrier: "On t'offre le billet d'avion" titrait un journal ultra-islamiste. Ils rappellent d'ailleurs que, eux, n'ont jamais pensé à quitter leur patrie lorsqu'ils étaient harcelés par les autorités pour avoir usé de leur liberté d'expression, lorsqu'ils n'étaient pas accrédités par les autorités pour les conférences de presse, lorsqu'ils n'étaient pas invités aux soirées officielles auxquelles participaient tous les médias, etc.
Ca serait dommage qu'il s'en aille pour une raison si stupide. En réalité, ces gens-là m'énervent profondément. Ils jouent sur une peur factice, hypothétique. Et alors on commence à croire que la Turquie "bascule". Je n'y vis pas mais je suis de très près sa situation politique. Pour être franc, je n'ai jamais pensé qu'il y avait un risque de fondamentalisme. Il y a seulement une aspiration, de la part des "écrasés" ("ezilmis" en turc), à plus de démocratie et de liberté. Ce qui brouille le raisonnement, c'est que ceux qui veulent ces avancées sont presque tous les dévots musulmans (et non les partisans de la charia), les Kurdes, les Alévis, les minorités arméniennes, orthodoxes, juives, etc. c'est-à-dire toute cette peuplade qui est censée menacer l'unité et les valeurs républicaines du pays. Pure connerie !