vendredi 25 septembre 2009

Nécrologie

Le prétendant au trône impérial ottoman est décédé. Son Altesse impériale le prince Osman Ertugrul. Il avait 97 ans. Celui-là même qui avait accepté la nationalité turque seulement en 2004. Le "dernier ottoman", avait-on coutume de dire car le dernier membre masculin de la famille impériale toujours vivant à avoir vu le jour dans l'Empire ottoman. Constantinople, à l'époque. L'an dernier, c'était son cousin le prince Burhanettin Cem qui rendait l'âme, deuxième dans l'ordre de succession. Celui qui avait fait carrière dans l'armée américaine...

Il vivait aux Etats-Unis. Il a bien vécu, contrairement à d'autres cousins qui patouillaient dans la misère. L'ancien chef de la maison, le prince Mehmet Orhan vivait en France, à Nice; un marchand ambulant, un chauffeur de taxi, un ouvrier, il fut. Et il parlait huit langues. Mort en 1994, il fut enterré à Nice. Quatre Tunisiens trouvés à droite à gauche ont bien voulu aider à l'inhumer et faire la prière mortuaire. D'anciens "sujets" avaient répondu à l'appel...


Une famille éparpillée, en réalité. Mustafa Kemal n'a pas été tendre. L'on n'arrête toujours pas de s'émouvoir sur le sort du dernier sultan Vahidettin, mort dans la misère à San Remo. Pis que la misère puisque son cercueil même avait fait l'objet dune saisie pour défaut de paiement... Mustafa Kemal n'avait pas bougé le petit doigt. Il l'avait juste remercié de ne pas avoir pris à ses côtés, lors de l'exil, ses effets personnels ni la caisse de l'Etat... Le dernier calife, Abdulmecid Efendi est mort, quant à lui, à Paris. Il fut inhumé, après des péripéties, à Médine (son cercueil est resté pendant dix ans à la mosquée de Paris).


Certains membres de la famille ne parlent même plus le turc; les Turcs avaient été stupéfaits de voir la princesse Nilüfer (fille du prince Burhanettin Cem) ne pas pouvoir aligner trois mots dans la langue de ses ancêtres. Les jeunes princes, n'en parlons pas. Il faut dire que la famille est très hétérogène; les membres ont des origines diverses et variées : byzantine depuis Murat Ier (fils d'une princesse byzantine devenue Nilüfer Hatun), grecque depuis Bayezid Ier (fils de la grecque Gülçiçek Hatun), ukrainienne depuis Selim II (fils de la célèbre Hürrem Sultan), vénitienne depuis Murat III (fils de Nurbanu Sultan), française depuis Abdulhamid Ier (fils de Rabia sultan), russe depuis Abdülmecid Ier (fils de Bezmialem Sultan). Du sang mêlé. Ca s'appelle une famille impériale.


Osman Ertugrul était un petit-fils du sultan controversé Abdulhamid II; un cousin de la délicieuse Neslisah Sultan (des cousins issus de germains : Osman Ertugrul, petit-fils d'Abdulhamid II et Neslisah Sultan, petite-fille et du dernier sultan Vahidettin Mehmet VI et du dernier calife Abdulmecid II). Une princesse égyptienne.



Dans l'Empire ottoman, la règle de la primogéniture ne régissait plus la succession depuis le 17è siècle. C'est le plus vieux des mâles (principe de l'ekberiyet : le droit d'aînesse) qui devient chef de la famille. Si bien que la liste des héritiers (Sehzade) est remplie de "vieillards". Les dix premiers ont plus de 60 ans. Un peu comme en Arabie Saoudite. Le Roi et le prince héritier sont décrépits. Contrairement au Maroc où l'héritier est le fils de Mouhammed VI (Moulay Hicham étant un partisan, on le comprend, de la version ottomane...). En Jordanie, on se rappelle encore comment le feu Roi Hassan avait débarqué son frère pour désigner l'actuel roi Abdallah, son fils. Et celui-ci avait écarté son frère Hamza. Depuis, la mère de ce dernier, la Reine Noor, fait du lobbying pour lui, ah ces mères !


Le nouveau prince héritier serait Osman Bayezid Efendi. 85 ans. Et le dauphin a 79 ans... De la préhistoire tout cela évidemment dans une République. D'ailleurs, chose étrange, les médias ne font pas grand cas de cet événement. Le Turc de base a généralement une passion pour Osman, le fondateur; Fatih Sultan Mehmet, le tombeur de Constantin XI; Yavuz Sultan Selim, le calife; Kanuni Sultan Süleyman, le plus puissant et Abdulhamid II, le dévotieux. Le reste, presque oublié : des alcooliques, des fous, des faibles entre autres. L'on ne va sûrement pas verser des larmes mais Osman Ertugrul était un homme admirable, plus vieux que la République, un ultime témoin. Qu'il repose en paix, le presque calife.