vendredi 13 novembre 2009

Précis sur les dirigeants du CHP

Je l'avais déjà dit, je n'apprécie pas les gens du CHP. "Parti républicain du peuple", le repaire des gens qui ne savent pas parler sans crier, sans insulter et qui croient oeuvrer pour le bien du pays en s'indignant pour des insignifiances. Quand quelqu'un parle "le coeur dans la bouche", il est soit timide soit dogmatique. Il faut dire que certains arrivent à conjuguer calme et dogmatisme. Un talent, assurément. Le CHP est une clique de malfaisants, de provocateurs, de pathologiques. Le cadre dirigeant, évidemment. Les partisans ou les membres soutiennent le CHP en général par tradition familiale. Même les universitaires ne sont pas capables de penser par eux-mêmes, c'est dire.


Le type le plus malin, c'est le Chef, Deniz Baykal. Sisyphe. Un homme qui n'a jamais été corrompu, c'est au moins son mérite. Qui dit prévarication, dit fonction. Il faut dire qu'il n'a presque jamais exercé de grandes responsabilités où l'on peut se permettre de confondre ses poches, cela aide... Mais c'est un lion de la politique. Il parle bien, aussi. Il est grand rhéteur. Mais s'il pouvait mettre ses talents au service des intérêts de son pays, il aurait été un homme d'Etat. Ce n'est donc pas une aspiration. Celui-là qui demandait une amnistie pour les terroristes kurdes et qui se rétracte aujourd'hui, celui-là qui demandait que des têtes militaires tombent après les révélations sur les différents plans de coups d'Etat mais qui a ensuite avalé son chapeau, celui-là qui demandait une refonte de la Constitution mais qui a changé d'avis lorsque l'AKP est arrivé au pouvoir (neme lâzım), etc. Dernièrement, il demandait que l'on revînt sur la réforme constitutionnelle qui prévoit l'élection du Président de la République par la populace, euh pardon, par le peuple. Or, c'est lui même qui avait bloqué tout le processus en 2007 estimant que le Parlement n'avait plus de fraîche légitimité pour élire le Président; maintenant, il veut revenir à l'ancien système. C'est que le peuple est dangereux; une imprudence que de lui confier son destin, évidemment. Il fut un temps où le nationaliste Bahçeli avait dit des choses semblables : "le peuple peut s'égarer en votant pour un réactionnaire !" Eh ben voyons. Quand on pense que ceux qui débitent ce genre d'idées sont des députés élus par ce peuple...


Kemal Anadol, un balourd chevronné du CHP, est un type qui figure dans la première catégorie; il parle bien, les mots sont bien employés, mais la pensée est fascisante et soutenue par une salve de postillons à faire pâlir Finkielkraut. Le 10 novembre, comme on le sait, est certes la date de décès de Rimbaud mais c'est surtout celle de Mustafa Kemal Atatürk. Le "Chef éternel". Que Dieu l'absolve ! Mais comme en Turquie, le peuple l'adore dans tous les sens de ce terme, l'anniversaire de sa mort est presque un jour férié. A 9h05 pétantes, tout le monde s'arrête pour une minute de silence : les voitures, les vendeurs à la criée, les parlementaires, etc. On arrête de marcher, aussi. La scène est absolument à voir; les rues sont remplies d'hommes et de femmes qui s'immobilisent mécaniquement. L'intérieur des maisons n'est pas encore surveillée par les services de renseignement. Kemal Anadol donc, cet homme de gauche qui adore écouter de la musique classique le matin en se rasant, n'a pas failli à la coutume; il a allumé la chaîne publique TRT 3 et s'est mis à barbouiller de mousse ses grosses joues et sa grasse gorge. Tout morne qu'il était, ce 10 novembre, il écoutait de la musique classique; ça tombe bien, la musique classique, c'est fait pour amplifier la tristesse. La population en général n'écoute pas de la musique classique pour le souvenir de ses morts; elle récite plutôt le Coran. Mais bon, pinaillage que tout cela. Et d'un coup, coup de tonnerre; le présentateur lâcha ce mot si horrible, si indigne, si ignoble : "Je vous souhaite une bonne journée, chers téléspectateurs". Monsieur s'est sans doute tailladé mais a filé immédiatement à l'Assemblée nationale où le gouvernement avait décidé d'inscrire à l'ordre du jour les discussions sur l'ouverture démocratique. Celui-ci chipa immédiatement le micro, l'assistance retint son haleine, les joues rouges comme d'habitude, il se lança : "Vous avez entendu ! Scandale ! La chaîne publique nous souhaite une bonne journée ! Qu'est-ce que cela veut dire ! Je le demande au gouvernement, répondez, comment se fait-il que l'on puisse avoir une bonne journée un 10 novembre ! Parle !", "mais c'est la phrase classique, il n'y a rien à chercher là-dessous","menteur, mes chers amis, nous nous dirigeons vers un régime sharaïque, Atatürk n'est plus pleuré dans les chaumières !"...



Si cela peut lui faire du bien, rappelons tout de même que la très grande majorité des Turcs n'écoute pas la musique classique de TRT 3; ils ont d'autres choses à faire. Ils lisent le Coran peut-être, allez savoir... Et les grands prêtres du temple ne finissent pas de nous conter la ferveur des fidèles amassés aux portes du Tombeau; les questions de ferveur sont toujours épineuses; s'il y a un accord complet entre les théologiens de l'islam et ceux du kémalisme, c'est que la forme est plus importante que tout. Il faut faire la prière, jeûner, faire son pèlerinage même si l'on est quasi mécréant, il faut pleurer sur la tombe de Mustafa Kemal, balancer les drapeaux même si on n'a jamais rien compris à la pensée de Mustafa Kemal. Le vernis avant tout.

Onur Öymen, l'ambassadeur en retraite, est le type même de la seconde catégorie; celui qui parle doucement, d'une manière apaisée et qui attire donc instinctivement les oreilles. Mais une fois qu'il a la maladresse de partager ses pensées, on est dégoûté; de sa personnalité même. Celui-là même qui vient de déclarer à propos de "l'ouverture démocratique" en direction des Kurdes initiée par l'AKP : "les mères pleurent tout le temps; va-t-on arrêter une guerre parce-que des mères pleurent ? L'on aurait donc dû arrêter la guerre de Canakkale ou celle de Dersim". Le mot est tombé, Dersim. Une ville kurde alévite martyrisée en 1937 pour cause de soulèvement : bombardements (la "fille" d'Atatürk faisait office de pilote), pendaisons, déportation. Une riposte disproportionnée.



Selon Son Excellence, il faudrait donc revenir aux bonnes vieilles méthodes. C'est un diplomate, le Sieur. Un homme bien élevé, en théorie. Il parle bien le français, raffiné, il devrait donc être. Mais, non, c'est celui-là même qui avait poussé jadis la Turquie aux préparatifs de guerre contre la Grèce pour une question de propriété d'une île inhabitée, Kardak. Un diplomate va-t-en guerre. Bill Clinton se marre toujours lorsqu'il se rappelle cet épisode...

Canan Arıtman est la plus dangereuse car paranoïaque. La "chienne de garde" de la République turque, comme on le sait. Celle qui insultait le Président de la République pour ses origines supposées arméniennes. Evidemment, l'on avait compris à cette occasion qu'il lui manquait quelques cases mais le Chef Baykal n'ayant jamais voulu lui montrer la porte, elle continue sereinement son mandat. Voilà donc sa nouvelle lubie : intenter une action en justice contre la femme du Président de la République et celle du Premier ministre. Motif : elles sont voilées et ternissent donc l'image de la femme turque. Une dame qui a la haine du voile; le voile, la soumission de la femme. Une meurtrissure. Une femme de combat. Les gestes de ce type me paraissent anormaux et je suis toujours étonné que cela ne soulève pas des tempêtes d'indignation dans la presse turque; le peuple, on a compris, n'est pas très à l'aise avec les manifestations, il a peur des représailles, mais les intellectuels, les penseurs devraient être unanimes pour condamner cette dame. Car c'est une pensée maladive, pathologique. Mais au contraire, la contamination se poursuit : l'on apprend ainsi qu'une association de femmes d'affaires turques en visite à Strasbourg s'est pliée à un drôle d'exercice; elles auraient littéralement harcelé leurs hôtes français pour qu'ils les croient : "on vous jure, chez nous, les femmes ne portent pas de niqab, nous sommes modernes, croyez-nous, s'te plaît !"... Le complexe. Toute cette psychologie découle du complexe. L'élite turc est profondément bling-bling, "sonradan görme" dirait le Turc; aucune noblesse.


La paranoïa, comme on le sait, est une maladie. Il faut alors consulter. Le CHP pour sa part, n'en croit pas une miette, il a donc intégré tous les paranoïaques dans ses rangs. Pour ma part, je n'arrive toujours à comprendre comment on peut, dans la Turquie contemporaine, voter pour des fascistes. Le parti d'Atatürk est devenu un parti fasciste. Il suffit de fermer les yeux et d'imaginer ce que serait le pays si cette engeance tient le gouvernail; imaginer dis-je car seule l'imagination nous permet de les voir au pouvoir. Heureusement, cela dit. Hafazanallah. Le parti de Mustafa Kemal me fait peur. Salut ô Géant !