lundi 4 novembre 2013

"Oh ! la grande fatigue que d'avoir une femme !" (Molière)

Dans la vie, mon cher, il n'y a que deux catastrophes : la mort et le sexe. Des synonymes, diront les connaisseurs en "petite mort". Connaisseurs essentiellement mâles. Car la science nous enseigne que l'homme a, disons pour faire simple, une facilité naturelle en la matière. Une "mécanique" pour monsieur alors que ma pauvre abeille doit mendier toutes sortes de blandices pour, peut-être, espérer... Bref, la Nature en a décidé ainsi, tant mieux ou tant pis. D'aucuns diront encore que ce sont toujours les hommes qui sont chouchoutés par elle. Que veux-tu; on subit. Ne pas bouder son plaisir, dit-on quand on a tout compris. Car le délice qui y est attaché est tellement exquis que même l'immensurable poète islamiste Necip Fazıl Kısakürek (1904-1983) avait composé dans sa prime (et païenne) jeunesse le plus beau poème consacré à l'onanisme...  

Et la Mère Nature a aussi "demandé" aux hommes d'assumer leur penchant. Si bien que même les hommes policés comme les monarques ne demandent qu'à blanchir sous le jupon. Louis XIV, lui, c'était un peu partout et tout le temps; la pauvre Madame de Maintenon n'en pouvant plus, demanda même à l'évêque de Chartres si elle devait encore, à cet âge, remplir le "devoir conjugal". Oh que oui, lui répondit Monseigneur, tout enfiévré, enfin j'imagine. Napoléon III, idem, ne "pensait qu'à cela". Et comme par hasard, l'impératrice Eugénie aussi avait l'air rétive. Cette même Eugénie qui ne trouvait rien à redire dans les bras du Sultan ottoman Abdülaziz; à tel point que la "Valide Sultan" (Reine Mère) dut la rabrouer : "t'as pas un mari toi, ma cocotte, rentre chez toi !"... La pauvre. C'est bizarre, trois fois "pauvre" pour trois femmes...

Chez les Turcs donc, la pudeur empêche de "serrer" la "sœur" d'un autre. Du coup, on va voir les "sœurs" d'on ne sait trop qui. Dans les "genelev" ou "kerhâne" (déformation du mot persan كارخانه qui signifie simplement "usine" ou du mot mi-arabe mi-persan كره خانه qui signifie "lieu de répugnance"). Les "maisons closes". Une tradition nationale qui pousse le mâle à apprendre là où il n'y a pas d'honneur à sauver, n'est-ce pas. Mâle qui apprend si bien que, Turc ou pas, il ressent le besoin d'y retourner pour, cette fois-ci, "vivre des expériences". Car comme dirait Zola, "les hommes, souvent, se marient pour une nuit, la première et puis les nuits se suivent, les jours s'allongent, toute la vie, et ils sont joliment embêtés" (L'Assommoir)... Heureusement, cela dit, que le premier "sexe shop halal" a ouvert son site Internet en Turquie. Désormais, les couples vont s'éclater entre eux. Mais si je connais bien les hommes,...

L'Empire, en son temps, avait préféré réglementer la profession. Un Etat théoriquement d'inspiration islamique. Mais il avait dû comprendre que décréter une nouvelle nature à l'homme serait, au-delà d'être impossible, une faute (Saint Paul ayant préféré croire que l'annulation du génésique marcherait). Il en profita même pour aller au-delà, très au-delà, en créant des "civelek taburları", des "bataillons d'éphèbes". Chargés d'accompagner les vaillants guerriers à droite à gauche pour le truc, comment dire, voilà quoi. Et celui qui ne rougit pas en lisant le livre Osmanlı'da Seks (Le sexe chez les Ottomans), je le taille en marbre... Les mêmes prémisses conduisant au même syllogisme, la République a préféré garder le statu quo. Jadis, quand j'étais ado, on entendait souvent parler à la télévision de Matild Manukyan, une Turque arménienne qui avait fait fortune dans le proxénétisme jusqu'à devenir la plus grosse contribuable d'Istanbul avant de se convertir à l'islam vers la fin de sa vie et faire bâtir une mosquée ! Celle dont la vie aurait fait un bon roman...

Tout ça pour signer le Manifeste "Touche pas à ma pute" ? Voiiilà, tout compris. Certes, Babeth et autres qui refusent sa liberté à la femme voilée car soumise sont là pour défendre la liberté de la pute puisque esclave mais tant pis. Un bon libéral défend l'épanouissement individuel avant tout. Et il dit non à cette obsession immarcescible de la loi qui souhaite sauver l'autre malgré lui. Sur le plan de la liberté, putes et voilées, même combat ! Mais assez étrangement, ceux qui défendent le consentement des premières s'opposent au consentement des secondes. Car les unes vendent leurs "charmes" alors que les autres les cachent. Et ça fait rager l'Occidental... 

A une époque où tout priapise, où tout est lascif, on devrait interdire la conjonction tarifée des voluptés ? Non. Que celui qui souhaite maudire la prostitution et son client, le fasse. Que le législateur qui souhaite bannir la prostitution et blâmer son client, rengaine son sermon. En matière de mœurs, dès lors qu'il n'y a pas de tiers lésé, aucun principe juridique ne doit pouvoir interférer dans l'autonomie personnelle. Que celui qui s'entête à corriger un penchant laisse le droit à sa place et se cramponne à la responsabilisation des familles, mieux à la morale; morale qui nous apprend que, comme le disait encore lui, Zola, "quand on a été bien élevé, ça se voit toujours"...